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Littérature et arts
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26 janvier 2019

Benjamin Walter, F. Sonntag

 

Affiche spectacle Benjamin Walter

 

    Écrite et mise en scène par Frédéric Sonntag, et jouée par 9 comédiens (il veut casser le mythe du théâtre contemporain qui serait de faire jouer 3 comédiens pendant 1h10 ; déclarant qu'il n'y a pas que Shakespeare qui peut se permettre de faire jouer une dizaine de comédiens sur une pièce de plus de 3 heures), Benjamin Walter, pièce de théâtre contemporaine proposait, après deux ans de travail, un voyage à travers l'Europe, d'Helsinki à Lisbonne, à la recherche de Benjamin Walter, un jeune auteur de l'exil, d'une trentaine d'années, admiratif de Kafka et Baudelaire, talentueux mais souvent resté dans l'ombre, et qui, en juin 2011, au moment où il commence à être reconnu, décide de renoncer à écrire et disparaît un mois plus tard sans aucune explication.

    En 2013, Frédéric Sonntag et son équipe de comédiens décident de mener l'enquête pour percer ce mystère, de partir à la recherche de Benjamin Walter, d'essayer de le retrouver, de rencontrer des gens qui l'ont connu et surtout d'essayer de comprendre le sens de son geste (que veut dire disparaître ? Que veut dire renoncer ? Pourquoi ?). Cette enquête, présentée sous la forme d'un roman policier, mais étant à la fois un théâtre documentaire car elle essaie de retranscrire une expérience vécue – celle de la quête en Europe d'un auteur disparu – et une autofiction, résulte d'une investigation de 7923km à travers l'Europe, entraînant le spectateur dans une sorte de course-poursuite d'indices en indices sur les traces de Benjamin Walter, sur la quête d'un homme, d'une œuvre, d'une vérité entre réel et fiction. Cette enquête policière passe à une quête existentielle parce qu'elle a soulevé une multitude de questions, et à une énigme littéraire parce que les routes d'autres écrivains européens tels que Bertolt Brecht à Berlin, Kafka à Prague, Pessoa à Lisbonne, ont été croisées. Petit à petit on découvre les liens entre ces différents auteurs et les liens avec Benjamin Walter. L'écriture linéaire qui suit l'évolution de l'investigation dans une dizaine de pays européens alterne des scènes de récits et des scènes de reconstitution de l'enquête via des enregistrements sonores et vidéo, des images d'archives, des extraits de journaux, des entretiens, des photographies, etc... La musique interprétée en direct forme un parallèle avec la bande son cinématographique du road movie et porte l'enquête. Les décors réalistes, les costumes du XXIè siècle, l'usage de nouvelles technologies, ainsi que les interactions des comédiens avec les spectateurs touchent un public plus large où chacun.e semble contribuer aux recherches.

    C'est une pièce sur la question du renoncement – est-ce-que renoncer serait une forme de protestation ? – et sur la question de la disparition – est-ce-qu'on peut encore dans le monde dans lequel on vit aujourd'hui disparaître, alors qu'on est chaque jour de plus en plus tracé ?. Cette pièce de théâtre, course-poursuite entre réalité et mémoire, porte sur la question des traces : quelles traces laissons-nous derrière nous ?, en quoi ces traces témoignent-elles de la réalité que nous avons vécu, de notre existence, et en quoi constituent-elles notre mémoire ?, de quelles traces disposons-nous pour reconstituer le passé ?. La mémoire semble être la seule véritable dépositaire de la chose vécue, mais n'est-elle pas déjà elle-même une reconstitution, un montage, une fiction ? Tout souvenir n'est-il pas, d'emblée, une trahison, un mensonge ? Toute réalité n'existe-t-elle que par les documents que l'on peut en fournir, que par la représentation que l'on en donne ? Que doit-on croire de ce qui nous est raconté ? En disparaissant, Benjamin Walter aurait-il réalisé son œuvre ultime ? En se reposant sur l'humour, le suspense, l'entrelacement des écritures scéniques, la question de l'identité, ou encore sur des documents qui attestent d'une réalité, Frédéric Sonntag travaille sur les relations entre réalité et fiction, la construction et la dissolution d'une identité, les peurs contemporaines et les mécanismes de la mémoire. De nombreux extraits et citations d'oeuvres rythment cette pièce : Walter Benjamin, Gilles Deleuze, Charles Baudelaire, Robert Walser, Franz Kafka, Roberto Bolano, Fernando Pessoa, Enrique Vila Matas, Régine Robin, Honoré de Balzac, Jean Baudrillard, Bertolt Brecht, Marguerite Duras, Jean-Luc Godard, Wim Wenders, Mike Featherstone, Theodor Adorno, Aby Warburg, Ivan Chtcheglov, Claire Parnet, Georges Didi-Huberman. Nous faisons ici, en plus de celle de Benjamin Walter, la découverte d'un auteur contemporain, Frédéric Sonntag, qui écrit et met en scène une pièce qui ne peut nullement laisser une personne indifférente.

 

 

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« - J'avais besoin de comprendre pourquoi un auteur que je trouvais si brillant, si doué, un auteur qui semblait parfaitement incarner la littérature, pourquoi cet auteur avait renoncé à écrire, et surtout....

- Surtout : pourquoi il avait disparu, et où, et ce qu'il était devenu.

- Que devient-on quand on renonce à écrire ?

- Pourquoi renonce-t-on ?

- Est-ce-que renoncer est un renoncement ? ».

 

2015. Benjamin Walter, mise en scène de Frédéric Sonntag, avec :

  • Amandine Dewasmes
  • Clovis Guerrin
  • Emmanuel Vérité
  • Fleur Sulmont
  • Jérémie Sonntag
  • Lisa Sans
  • Marc Berman
  • Paul Levis
  • Simon Bellouard

 

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